Figures et familles

Jean-Antoine Chaptal (1756-1832)

Originaire de la Lozère, il fit des études de médecine à Montpellier puis de chimie à Paris, travaillant sur les procédés chimiques applicables à l’industrie. Parmi ceux-ci, l’acide chlorhydrique, la vinification (la « chaptalisation » entre autres), les poudres et les nitrates, les textiles… Il bâtit des ateliers et des fabriques de produits chimiques.
Il fut titulaire d’une chaire à Montpellier puis à l’Ecole Polytechnique et membre de l’Académie des Sciences. Déjà anobli par Louis XVI en 1786, il fut nommé ministre de l’intérieur en 1801 par Bonaparte. Il réorganisa l’instruction publique, les musées, mais surtout sur ordre de Napoléon, réorganisa l’industrie et l’artisanat français.
En 1802, il acheta le domaine de Chanteloup près d’Amboise et y travailla sur l’amélioration de l’extraction du sucre de betterave après les travaux de l’allemand Achard : « Instruction sur la préparation du sucre brut, du sirop et de l’eau de vie de betteraves », connu en France vers 1800.

L’Institut de France trouvait ce sucre « amer, fétide et impropre à la consommation », ce qui était vrai et conduisit parallèlement à des expérimentations sur le sucre de raisin. Avant Deyeux, Chaptal remit un rapport de recherches en 1811 à l’Empereur. Averti des résultats des essais de Delessert, il emmena l’Empereur le deux janvier 1812 à la fabrique de Passy.
(On ne sait ce qu’est devenu l’un des deux pains de sucre qu’a remis Delessert ce jour là. Le premier a été remis à Napoléon qui l’a offert ensuite à Marie-Louise, puis qui est resté jusqu’à ces dernières années propriété de la famille du baron Höttinger, descendant du banquier et ami de Delessert et vendu aux enchères en 2007, on ne sait à qui. Par contre on ne sait ce qu’est devenu celui remis à Chaptal.)

Il avait démissionné de son ministère en 1804 lorsque Bonaparte s’est fait proclamer empereur. Nommé sénateur en 1805 – ce qu’il était donc en 1812 – il fut fait Pair de France et ministre d’État durant les Cent jours puis renommé en 1819 par Louis XVIII. Il avait entre temps reçu le titre de comte de Chanteloup. Dans son atelier-laboratoire de Chanteloup, il installa une fabrique de sucre. Mais en 1823, son fils ayant fait faillite, cette fabrique ferma, le domaine ainsi que tous ses autres biens furent mis en vente pour régler les dettes du fils.
Et Chaptal mourut à Paris dans la misère. (Ce qui nous rappelle à la sucrerie de Francières, la fin de Crespel-Dellisse et celle de Bachoux en 1888.)

Benjamin Delessert (1773-1847)

Il est devenu célèbre pour avoir porté la recherche sur le sucre de betterave à un stade industriel avec un prix de revient permettant de le commercialiser et avec un stade de purification le rendant à peu près consommable.

La scène du deux janvier 1812 avec Napoléon, est devenue une image d’Épinal connue de tous. Personnage multiple, aux activités diverses, avec un esprit curieux, inventif mais pratique.

Le docteur Guy Héraud, membre associé de l’Académie de médecine qui a beaucoup travaillé sur le sucre avec le CEDUS, a rédigé avec son épouse Colette une importante biographie de Delessert qu’il nous a offerte et comportant des pièces uniques en particulier sur les travaux de botanique de ce chercheur universel. Nous en extrayons le résumé suivant avec nos propres archives.

Son père Étienne après avoir fondé à Lyon une fabrique de tissus de gaze, vint à Paris vers 1777, fonder la banque Delessert puis la première compagnie d’assurances contre les incendies.

Benjamin, après une brillante carrière militaire comme capitaine d’artillerie, reprend en 1796 les affaires familiales tout en s’occupant beaucoup de sciences naturelles au Jardin des Plantes.

Il devint le plus riche collectionneur de plantes avec 250 000 échantillons portant sur 87 000 espèces. Ses collections étaient visitables, il publia beaucoup et ouvrit une bibliothèque de sciences naturelles et de conchyliologie car il s’intéressait aussi aux coquillages, réunissant 100.000 pièces et 25.000 espèces.
Il a donné son nom à deux plantes, une algue la « Delessaria » et une légumineuse la « Lessertia ». Professeur à Genève, il fut nommé membre à titre étranger de l’Académie des sciences de Paris.

Si la botanique est un passe-temps pour Benjamin Delessert, l’essentiel de sa vie est axé sur la philanthropie et l’industrie.

Aidé par ses frères, et reprenant la Caisse Nationale d’Escompte fondée par ses frères, il crée avec de grands négociants en 1800 la Banque de France dont il sera nommé régent et dont le siège sera l’hôtel d’Uzès, la maison familiale.
C’est ainsi que Delessert aidera plusieurs fois le gouvernement de Napoléon.

C’est l’époque où la France est coupée des produits coloniaux et du commerce avec les Amériques. Napoléon et Chaptal demandent à l’industrie de faire de gros efforts pour suppléer à cette carence. Benjamin Delessert se met à travailler dans l’industrie textile, filatures et tissages, y introduisant l’usage de la vapeur qu’il avait découverte en Angleterre jadis chez son ami Watt, et qu’il installe dans son usine e Passy (l’ancien couvent des Bonhommes).
C’est là qu’il crée la première usine de raffinerie en 1801 et il sait s’entourer. Outre les relations et les conseils réciproques avec Jean Antoine Chaptal et le chimiste Nicolas Deyeux, deux employés de Passy ont largement contribué à cette réussite :
Bonmartin qui, vers 1811, découvrit un procédé pour neutraliser l’excès de chaux (donc le goût du sirop) par l’acide sulfurique qui clarifie et épure avant la cuite des sirops. Ce procédé sera remplacé plus tard par la carbonatation.
En juin 1812, le ministère des Manufactures et du commerce, le comte de Sussy, après avoir été averti par Chaptal, a diffusé cette méthode à tous les préfets, à charge pour ceux-ci de le transmettre aux fabricants, aux élèves des écoles spéciales crées par Napoléon, aux sociétés savantes etc.
Et Jean-Baptiste Queruel, lequel est entré à l’usine de Delessert avec son frère cadet Jacques – qui, lui restera contremaître – et gravit tous les échelons, contremaître, puis chef de fabrication.


Autodidacte, ses différents essais commencèrent à donner des résultats à partir de 1807. Il a été le premier à pouvoir « grainer » c’est-à-dire à cristalliser le sucre de betteraves. C’est d’ailleurs lui qui reçut Chaptal puis Napoléon le deux janvier 1812 avant l’arrivée de Delessert et leur présente les deux premiers pains de sucre purifiés et bien cristallisés.
Plus tard, Delessert lui laissera la raffinerie de Passy qu’il dirigera avec ses trois fils puis créera, rue de Flandre à La Villette, une raffinerie, cofinancée par Delessert et proche de celle de Lebaudy dont il avait épousé la fille.

Mais seule cette dernière subsistera, les fils successeurs de Queruel ayant été de moins bons gestionnaires.

Donc, le deux janvier 1812 à l’usine de Passy, Napoléon I° remet sa propre Légion d’honneur à Benjamin Delessert et le fait baron.
Delessert a contribué au lancement d’autres fabriques en y envoyant des chefs de fabrication pour poursuivre le programme incité par l’empereur.
En 1814, on en cite une dizaine dont Arras, Namur, Boulogne, Nantes, Montargis, Mont-saint-Martin. Malgré les événements de 1815 et le retour du sucre de canne, il en aurait ainsi créé 21 en 1822.

Pour aider tous ces jeunes manufacturiers qui connaissaient des difficultés, il créa avec Augustin de Candolle la « Société d’encouragement pour l’Industrie ».
Ceci par de nombreux prix et des avances de trésorerie contribuant au perfectionnement de la fabrication et du conditionnement.
Pour le sucre, cela concernait l’amélioration des mélasses, la richesse en sucre des betteraves, l’amélioration de la défécation etc.
Mais d’autres aussi comme les bougies, la colle, le caoutchouc, les rasoirs, les tissages etc.
Ne s’occupant plus directement de la fabrique du sucre indigène, il eut une carrière politique. Il commanda une légion de la garde nationale en 1814, fut élu député durant les Cent jours et réélu en 1817. Il participa à la réorganisation de la France (armée, fiscalité, routes, canaux…).

Après Paris, il sera député de Saumur jusqu’en 1842. Il finira commandeur de la Légion d’honneur et sera aussi membre libre de l’Académie des sciences.
Avec le duc de La Rochefoucauld-Liancourt, il créa la Caisse d’Epargne en 1818. Encourageant artistes et écrivains, musiciens, il collectionna une belle galerie de peintures et rédigea quelques ouvrages de pensée et de maximes comme «Le guide du bonheur» et «Les bons exemples».

Mais plus que tout, c’est la bienfaisance qui sera une activité permanente.

Fondations de bienfaisances et Sociétés philanthropique :

Avec Pandolle, il s’occupa des soupes populaires, dans les périodes de disette comme en 1810, en fabriquant sur le modèle original une «machine de Rumfort», pour la distribution de la «soupe» du même nom (une sorte de « roulante »comme à l’armée).
De 20 000 rations distribuées au début, les deux amis en distribuèrent 1 500 000 en 1813. (On ne peut s’empêcher de penser ici à un personnage plus près de notre siècle!).

Il fut aussi nommé au Conseil général des hospices et des prisons durant plus de 40 ans, en y améliorant le fonctionnement, l’humanisation et les locaux.
Il travailla à la propagation de la « vaccination ».
Il créa dans les hôpitaux la distribution de cadeaux du Jour de l’an et milita pour l’abolition de la peine de mort.

De toutes les actions et réalisations de sa vie, il voulut que ne soit mentionnée sur sa tombe que la création de la Caisse d’épargne, à son décès, le 1er Mars 1847.

Louis François Xavier Joseph Crespel-Dellisse (1789-1865)

C’est un point dans sa vie réalisé à partir de ses déclarations lors des débats parlementaires, débattants sur l’instauration d’une fiscalité sur le sucre indigène, question en suspens depuis quelques années.
Voir à ce sujet, dans la même rubrique le chapitre sur le débat de 1836.

Louis, François, Xavier, Joseph Crespel, ainsi encore appelé à cette date, à 47 ans en 1836.
Il produit du sucre de betterave depuis 26 ans. Il avait 20 ans lors de la création de sa première « fabrique », disons plutôt « laboratoire », dans l’épicerie familiale de Lille, qu’il tenait avec sa mère depuis le décès de son père.
Il y avait un commerce d’alcool et une distillerie d’huile où il s’initia à la chimie alimentaire.

Malgré la crise de 1814-1815, il n’a jamais cessé de tenter de produire du sucre à partir de la betterave malgré les échecs et les déficits subis. Il n’a jamais perdu la foi, recherchant sans cesse des perfectionnements techniques et agricoles.
Il s’est fait traduire de l’allemand les travaux d’Achard alors qu’il en avait déjà découvert l’essentiel. On a prétendu sans preuve qu’il aurait acquis ses premiers rudiments auprès d’anciens prisonniers espagnols à Cuba, connaissant la canne à sucre qu’il emploiera. Mais ce qui est certain, c’est qu’il correspondra et échangera très vite avec Derosnes, Chaptal, Gay-Lussac etc.

Il doit être le seul fabricant de sucre en métropole à n’avoir jamais cessé depuis la période napoléonienne.
En 1809, il épouse Mlle Dellisse et le frère de celle-ci épouse la sœur de Crespel. Cette sœur reprend le commerce de Lille et Crespel ira s’établir 18 mois à Béthune, pour un commerce de grains et alcools, tout en poursuivant ses recherches.

Il y apprend par Parsy, un parent, qu’un employé de la Préfecture passionné de chimie, venait de réussir l’extraction d’un peu de sucre de la betterave.
Il revient à Lille et y ouvre une vraie première fabrique dans la maison de celui-ci en 1810.
Il y réussit en 1810 le premier pain de sucre (raffiné par Mme Colle) et présenté au maire de Lille avant celui de Barruel.

Il cultivait avec son associé Parsy ses propres betteraves. Il fabriquait lui-même son matériel (râpes cylindriques, etc.) sauf les machines à vapeur achetées en Angleterre dira-t-il à Charles X. Il dira en 1828 qu’il a tout essayé à ses débuts, « les fortes lessives, les cendres, le vinaigre, l’acide sulfurique puis la chaux, le grès pulvérisé ». Il remplacera les sacs de jute pour le pressoir à vis par des sacs en laine, sera un des premiers à utiliser le noir animal et un des premiers à utiliser la cristallisation lente.
En 1811, avec Parsy, ils ont obtenu 500 kilos de sucre brut et 10 000 en 1812.
C’est en 1812 que Parsy, malade, laisse sa place d’associé à Dellisse, beau-frère de Crespel.
On note qu’en 1813 Crespel est propriétaire d’une deuxième sucrerie à Bethune qu’il avait encore en 1827.

Parenty nous apprend que « dès ses premiers essais de fabrication en 1809, alors que la betterave se râpait à la main avec une lame de couteau et que le jus se cuisait à la casserole », Crespel était aidé par son plus jeune frère Xavier qui le suivit à Lille puis à Arras jusqu’en 1823, date à laquelle il fonda dans la même ville une fabrique rue de Beaudimont qu’il a exploitée « plus modestement » jusqu’à la période 1865.

En 1814, Crespel quitte Lille où ses ateliers ont été dévastés par l’invasion et ouvre la fabrique d’Arras dont il se vante en 1836 être la seule sucrerie qui n’ait jamais cessé de fonctionner depuis. Elle appartenait avant à Ledru, ruiné et père du futur propriétaire de Roye qui incitera Crespel à acheter Francières.
En 1815, il produit 22 000 kilos de sucre brut et seulement 10 000 en 1816.
En 1818, il dit posséder trois fabriques et être intéressé par trois autres. Cette année-là, le duc d’Angoulême, fils de Charles X vient visiter Arras.
En 1825, sa production est de 40 000 kilos et en 1827 le roi Charles X de passage à Arras, vient visiter la sucrerie.

 

Il est difficile de préciser quelles étaient ses fabriques en nom propre en 1836, plusieurs étant en association ou cédées à des élèves ou relations.

Entre 1815 1824 ce sont : Villequier-Aumont ( Aisne), Frières-Fallouel (Aisne)
Avant 1824, il aurait possédé sept fabriques dans le Pas-de-Calais, dont en 1827 Bethune, Neuville, deux à Arras.
Toujours en 1827 Dury et Aubigny ( pour 1/5°) et Genlis (devenu Villequier-Aumont) dans l’Aisne. Et en construction Boistincourt, non identifiée.
En 1828, Carnières (Nord) et Biefvillers-lès-Bapaume (Pas de Calais)
Après 1829, Sailly le Sec (Somme) et Roye (avec Ledru ?) (Somme )
En 1833, Villeselves et Francières (Oise)

Nous apprenons, dans les débats, qu’il a aussi possédé quelques années une fabrique près de Libourne (Gironde), à l’époque Charente Inférieure, « sur les terres du duc Decazes ». Il l’a abandonnée avant 1836, pour insuffisance de fourniture de betteraves. Et qu’il avait créée puis abandonnée, faute de rendement, une distillerie à Arras.

Note sur les sucreries Crespel à Arras :
En 1814, l’ancienne sucrerie Ledru dans l’ancien refuge de l’abbaye d’Arrouaise
En 1825, 79 rue Beaudimont – mais ne serait-ce pas celle de son frère ?
En 1836, faubourg St Sauveur
En 1848, 7 rue des Casernes (devenue Victor Hugo), ancien refuge de l’abbaye d’Henin, raffinerie sous Crespel devenue sucrerie près sa vente en 1865

Ce qui est sûr, c’est qu’en 1836, Crespel figure comme représentant de quatre départements :
Pas-de-Calais (Arras et ?), Aisne (Frières-Fallouel et Villequier-Aumont), Somme (Sailly le Sec et Roye), Oise (Villeselves et Francières)
Les autres avaient-elles été fermées ou cédées ?

 

Vers 1835, il acquit à Saulty, près d’Avesnes dans le Pas-de-Calais, à 18 km d’Arras, le château des Soubise qu’il restaura et embellira et il créera une fabrique de sucre en face du château et une exploitation agricole de plus de 400 ha.

Curieusement, un annuaire signale en 1862 à Saulty, la fabrique de sucre Crespel Tiburce. Or Tiburce, fils de Crespel, est décédé en 1860. La fabrique continuait-elle à fonctionner avec sa veuve et ses enfants, voire sous la direction de Crespel ?

De 1836 à 1839, il sera président du Comité des Fabricants de sucre de Paris.
En 1836, il possédait Francières depuis trois ans et avait commencé à agrandir vers l’est la halle Thirial, pour installer de nouvelles machines à vapeur.

Après 1837, l’imposition sur le sucre de betterave ruinera de nombreuses entreprises ( 159 en deux ans). Si Crespel payait 300 000 F d’impôts en 1839, il en paiera un million en 1840 et 1 500 000 en 1841.
En 1849, il exploite malgré tout huit sucreries.
A partir de cette date, débutèrent des ennuis avec l’administration des Contributions Indirectes, au début pour le règlement de l’impôt par obligations à terme.
Déjà en 1839, cette administration avait pris une hypothèque sur ses biens à Arras – vite levée, puis sur ceux de l’Aisne et une saisie de Villeselves.
Il eut ensuite des procès, gagnés, avec des fabricants de machines qu’il avait lui-même inventées.
En 1848, son actif s’élevait à 2 800 000 F mais il devait 600 000 F de droits – réglés après un sursis.
Crespel, dans son désir de s’accroître sans cesse et de toujours moderniser ( il exploite par ailleurs 2274 ha de terres), avait du accroitre les capitaux nécessaires.

1849 marque son apogée.
La grande crise économique et financière de 1846-1847, et la révolution de 1848 aggravèrent ses embarras financiers.
Il ne sut « s’arrêter dans sa progression, grandir encore ou diminuer ».
Le nombre et la dispersion de ses usines et de ses exploitations agricoles l’obligeaient à déléguer à ses directeurs, sans pouvoir tout contrôler.

Le duc de Morny, demi-frère adultérin du futur Napoléon III ( et petit-fils par bâtardise de Talleyrand !), déjà propriétaire de la sucrerie de Bourdon (Puy-de-Dôme) depuis 1837, lui proposa un rachat de ses usines en lui en laissant la gérance pour 5 millions de francs. Crespel ne put admettre cette idée de gérance malgré des intérêts versés de 1 800 000 F et son œuvre va s’écrouler.

En 1857, avec un actif de 2 867 000 F et une dette fiscale de 474 000 F, il fut frappé par le passage à 10 % de l’escompte de la Banque de France.
Les Contributions indirectes refusèrent la caution de Mme Crespel, co-propriétaire, et lui refusèrent de vendre ses stocks de sucre brut aux raffineries.
En avril 1858, il fut mis en liquidation et ses fabriques commencérent à être vendues par l’ administration à des conditions déplorables.
Francières le fut, aux enchères en juillet 1859, puis ce furent les terres et les fermes.

En 1860, un prêt de 800 000 F ( dont 475 000 à régler à l’État) lui est accordé dans le cadre d’une aide générale à l’industrie frappée par la crise financière.
Mais dans les années suivantes, le prix du sucre va encore baisser.
Une nouvelle allocation par l’empereur lui est refusée « en raison des lois financières ».
Il lui restait, en 1862, trois usines (lesquelles à part Arras ?) et quatre exploitations agricoles représentant 650 ha.

Il perdit en 1860 et 1862 son fils unique puis son épouse.

Il est alors âgé de 73 ans, ses créanciers sont soldés mais l’Etat, créancier hypothécaire d’Arras, saisit et vend (très mal) son usine d’origine.

Il lui fallut vendre ce qui lui restait de ses diverses propriétés.

Il sollicita de l’empereur une nouvelle subvention de un million de francs qui lui avait été promise et avec laquelle, à 75 ans, il espérait reprendre ses travaux.
Mais le ministre des Finances la refusa et ce fut une pension « à titre de récompense » de 6 000 F annuels, qui lui fut accordée en mars 1864.

Il quitta Arras en mai 1864 et se retira à Neuilly où une épidémie de choléra eut raison de lui en novembre 1865.

La production de sucre de betterave en France était définitivement lancée (200 000 t en 1865), sans parler de ses dérivés, dont l’alcool et le salpêtre et l’agriculture aussi définitivement transformée.

On a beaucoup dit, on a beaucoup écrit sur Crespel-Dellisse, véritable créateur de l’industrie du sucre de betterave.
Celui qui, depuis ses premiers essais adolescent, avec son frère Xavier puis Parsy, « bricolait » ces premiers essais. Puis celui qui s’est renseigné, a étudié, a contacté les chercheurs connus de son époque, visitant d’autres fabriques, en échangeant ou recevant chez lui.
Celui qui a inventé, a été à l’affût du moindre progrès, les a essayés, rejetés ou adoptés et perfectionnés. Celui qui fabriquait son propre outillage.

Mais on parle moins du Crespel agriculteur. Celui qui pensait que pour avoir du sucre, il fallait de bonnes betteraves et que le moyen le plus sûr était de les cultiver soi-même plutôt que d’acheter des betteraves de qualité douteuse.
Dès 1810, avec Parsy, ils les ont cultivées – on ne sait où. (A Arras, sa fabrique est dans la ville et sa ferme à une heure de route).
Puis il a compris un des premiers l’avantage agricole de cette nouvelle culture. Besoins de bœufs et de chevaux pour les machines (au début) et les transports. Besoin d’engrais pour les betteraves.

D’où l’utilisation des feuilles, collets et surtout pulpe pour la nourriture des animaux – et les avantages financiers obtenus par l’accroissement de l’élevage.
La « fourniture » des engrais par ces animaux.

Mais il a été un promoteur de la suppression des jachères, non seulement en alternant les cultures avec la betterave, mais aussi en cultivant exclusivement la betterave sur le même sol.
Démontrant que cette culture enrichissait la terre et permettait ensuite des rendements supérieurs en blé.

Or, Crespel n’avait aucune formation d’éleveur et de cultivateur. Nous n’en connaissons pas dans sa famille. Comment a-t-il appris et auprès de qui, puis développé ce qui a représenté une autre grande partie de son activité ?

Ses déclarations à la chambre des Députés en 1836 nous apprennent beaucoup sur ses connaissances. Rappelons qu’en 1848 il exploitait 2274 Ha dont 415 créés à Saulty après 1835.
Nous ignorons par contre ses connaissances dans les autres cultures pratiquées comme les céréales, l’oeillette et autres.

Voici ce qu’il déclarait en 1836.

LA TERRE –
« Ce n’est pas assez de dire que la betterave améliore 4 fois plus de terrains qu’elle n’occupe. N’entrerai-t-elle que pour 1/10° dans l’assolement, elle servirait à l’amélioration des 9 autres dixièmes par les engrais qu’elle fournit directement et par ceux que donnent les bestiaux qu’elle nourrit ». – Il dit que la betterave peut très bien entrer dans un assolement de 10 ans. – Il affirme que la betterave ne se cultive pas que dans les bonnes terres du Nord.
Il en a fait venir dans les « landes » (en Gironde) jusque-là improductives et dans lesquelles on a obtenu ensuite de bonnes récoltes de blé. Contrairement à Chaptal, Dubrunfaut etc., il certifie que les betteraves du Midi donnent autant de sucre. Mais la fermentation est plus active et la fabrication doit durer moins longtemps, moins de 4 à 6 semaines. – Il retire du bon sucre, mais en petite quantité, des betteraves porte-graines.     

LES SILOS –
La mise en silos a beaucoup d’importance. Si les fosses sont trop sèches, elles absorbent l’humidité des betteraves et celles-ci se gâtent. Il ne faut pas mettre en silos par très beau temps.
Dans le Midi, cette opération ne devra être faite que la nuit ou de très grand matin. Il vaut mieux les laisser en terre et ne les arracher qu’au fur et à mesure de la fabrication.

RENDEMENT MOYEN D’UN HECTARE EN BETTERAVES –
Pas-de-Calais : 30 à 35.000 Kg par hectare. Il en a où il sème depuis 14 ans (1822) sans les fumer et sans diminution de produit. D’autres qu’il a fumés 3 ans et qui ont « donné » 9 fois. – Oise : 25.000 à Villeselves, 10.000 à Francières. – Somme : 30.000 à Roye et à Sailly un peu moins.

FRAIS DE CULTURE –
Pas-de-Calais : Main d’œuvre, 80 francs pour un hectare. Labours et hersages, 60 Francs. Mise en silos, 12 francs à 50 centimes la fosse. Total : 120 francs plus les engrais. – Aisne : La main d’œuvre est plus chère que dans le P.de C .= 170 francs. – Oise : conditions diverses, ne peut dire. – Somme : 320 francs à Roye, 120 à Sailly.

VALEUR LOCATIVE D’UN HA AVANT LA BETTERAVE –
– Pas-de-Calais : 70 à 72 f par hectare. – Aisne : 36 f dans une localité exceptionnelle ; – Somme : 3 hectolitres et demi par hectare.

VALEUR DE L’HECTARE APRES LA CULTURE DE LA BETTERAVE – Pas-de Calais : fermages de 35 à 70 francs par mesure. – Oise : 72 f pour des terres inlouables. La valeur vénale a doublé. – Somme : Il n’y a plus de nouvelles locations. Ce serait 100 francs. En valeur vénale, il offre à Roye 3.800 f dont l’ancien prix était 2.400f.

PRIX DE 1000 kg DE BETTERAVES RENDUS A LA FABRIQUE –
– Pas-de Calais : N’en achète pas. Ils lui reviennent à 12-13 francs. – Aisne: Prix de revient 10-11 francs. Oise : Villeselves, revient à 10-12 francs. Il achète à 12 F pulpe détruite ou 17F en gardant la pulpe. Francières : La moyenne de 3 ans est de 32 F parce-que le prix s’est élevé en 1834 à cause des pertes dues au ver du hanneton. – Somme : 13 francs.

VALEUR D’UNE EXPLOITATION AGRICOLE DE 100 HA (Bâtiments, bestiaux et attirail) –
Pas de Calais: 100.000 F pour 200 HA, 60.000 pour un HA. – Aisne : 50.000 F sans moutons à Frières. – Somme : de 50 à 60.000 F pour le matériel.

QUEL EST L’IMPOT POUR UN HECTARE ? –
Pas-de Calais : 10 à 12 francs. – Aisne : 6 francs dans une localité particulière. – Oise : ignore ( !) mais très peu. – Somme : 9 francs.

DANS QUELLES PROPORTIONS BETTERAVES ET SUCRE ONT AUGMENTE LE NOMBRE DE BESTIAUX. COMBIEN DE BESTIAUX AVANT POUR 100 HECTARES ? –
Roye, Somme, avant aucun, maintenant 100 bœufs

ALIMENTATION DES BESTIAUX –
Les animaux ne mangent plus de paille. Il les alimente tous avec la pulpe à laquelle il ajoute des tourteaux d’oeillette (pavot cultivé pour en extraire de l’huile). Dans les étables, il met un lit de chaux recouvert d’un lit de terre, renouvelés quand ils sont humides. Les moutons sont mis en parc dès le mois de juin et on leur porte de la pulpe. De grande taille, ils en mangent 6kg par jour. Les bœufs sont mis en parc dès l’arrachage des betteraves. Ils mangent les feuilles et les collets laissés sur place plus un tourteau par jour. Ils y restent jusqu’au 15 novembre.

Nous avons extrait de la liste de ses titres honorifiques dressée en 1865 par Mr Aymar-Brescion, ceux se rapportant à l’agriculture :

– Membre de la Société Impériale d’agriculture de Vienne (Autriche).
– Membre du Conseil Général de l’agriculture, du commerce et des manufactures.
– Membre de la Chambre Consultative d’agriculture de l’arrondissement d’Arras.
– Vice-président du Comité d’agriculture de l’Académie Nationale agricole, manufacturière & commerciale de Paris.
– Membre de la Société Centrale d’agriculture du Pas-de-Calais.
– Membre des Sociétés d’agriculture de Valenciennes, Saint-Omer, Calais.

Parmi ses récompenses autres qu’industrielles :

– Médaille d’or de la Société d’agriculture 1828.
– Médaille de bronze pour son semoir à l’exposition de 1834.
– Médaille d’honneur en or à celle de 1855.
– Médaille d’honneur en or pour sa race bovine à l’exposition régionale de 1857.
– Plusieurs autres médailles d’or et d’argent et diplôme d’honneur de l’Académie Nationale en 1863.

Promu chevalier de la Légion d’honneur en 1833 (en plus de chevalier du Grand-duché de Hesse et de l’Ordre royal de Prusse)
mémoires de l’Académie de sciences, lettres et arts, deuxième série tome XI 1909.

Cette partie est rédigée à partir, entre autres de :

Alimentation publique. Payen, Revue des deux mondes, 1853

Site de la commune de Saulty
Bénédicte Claisse

Annales de Physique-Chimie. Gay-Lussac et Arago, tome 37, 1828
Pierre Mayé

Et surtout Notice sur Crespel par Auguste Parenty, Académie d’Arras, 1865.

Tiburce Crespel-Dellisse

« Son père Louis François l’a très vite impliqué dans la gestion de ses entreprises.

Dès la fin de la révolution de 1830,il renouvela le matériel des usines que son père venait d’acquérir, introduisit un meilleur système de chauffage par la vapeur et forma pour les sucreries de Roye, Villeselve et Francières des gérants spéciaux, instruits à son école….

En 1835, il se charga en plus de diriger les cultures et les fabriques les plus éloignées d’Arras…, les fermes et usines de Saulty, Roye, Francières, Villeselve,Frières, Eaucourt et Sailly. »

Tiburce Crespel-Dellisse, est promu chevalier de la Légion d’honneur en septembre 1849 et décoré par le prince-président Napoléon.

Il cherche constamment à améliorer les méthodes de cultures
Il meurt en juin 1860, des suites d’une commotion lors de la crise financière de 1858, qui mit en difficulté les industries sucrières.

Elu associé ordinaire en mai 1855, section grandes cultures
Membre des société d’agriculture du Pas-de-Calais, d’Arras, de Saint Omer, Saint Pol.

Nous ignorions le rôle joué par Tiburce à Francières, suivant sûrement les directives de son père et appliquant ses inventions en industrie et en agriculture et peut-être introduisant les siennes.

(Société impériale et centrale d’agriculture de France, 1863.
Éloge de Tiburce C.D. par Payen).
(Bulletin des séances de la société centrale d’agriculture, années 1856-62)

Théophile Breithaupt

UN PRECURSEUR MECONNU :
(bulletin de la société archéologique de Touraine 1871 , Gallica.
Revue d’histoire de la pharmacie, Pierre Bachoffner, Année 1987 Volume 75 Numéro 273 pp. 134-135 )

Nous connaissions les grands anciens, les Français Chaptal, Vauquelin, Dayeux, Baruel, Allard, Derosne, Descotil, Crespel, Delessert en plus des Allemands Marggraf et Achard.

Voici un Français de plus.

Théophile Breithaupt était pharmacien à Plaffenhoffen, Bas-Rhin.
À Strasbourg, a existé pour quelque temps à partir de 1811, une Ecole Expérimentale pour l’extraction du sucre de betterave, dirigée par Maximin Isnard.

De son côté, Breithaupt avait obtenu d’importants succès en multipliant les observations et en perfectionnant sans cesse les procédés. Dans un rapport au préfet pour l’année 1813, il annonçait être en mesure d’obtenir 3000 kg de sucre brut par an, si l’approvisionnement en betterave était assuré.

Son procédé a été mis à l’examen de la « Commission des Sucres Indigènes ».
Le préfet a sollicité du ministre des Manufactures et du Commerce des « encouragements officiels » pour Breithaupt. (Lettre du ministre du 25 septembre 1812 à l’intéressé).
Mais le dossier préfectoral disait que la difficulté essentielle résidait dans la production insuffisante de betteraves sucrières et dans leur prix exorbitant.
(On ne sait rien de plus sur ce personnage).

La saga Béghin-Say

 

Les Say

Protestants cévenols, les Say émigrent à Nîmes, à Amsterdam (1687), à Genève (1694) et s’installent à Lyon durant la seconde moitié du dix-huitième siècle. Issu d’une famille travaillant dans le textile, Louis SAY – après la crise cotonnière de 1813 – se fait recommander par Benjamin Delessert auprès de son cousin Armand possédant une raffinerie de sucre de canne à Nantes. Gérant, associé, puis seul dirigeant, il créé la société « Louis SAY et Cie« . En 1832, il fonde à Ivry sur Seine « La nouvelle raffinerie de la Jamaïque« . (Exclue de la raffinerie de Nantes, la famille SAY en ouvrira une autre à Nantes en 1934 après la faillite de leurs successeurs). Son fils Constant disparait en 1871 et son petit-fils Henry étant mineur, est créée la SA Constant SAY. Henry se marie, désapprouvé par sa famille, et délègue en général ses pouvoirs à Ernest CRONIER. Ensemble, ils acquièrent l’usine de Sarrebourse d’Audeville et Cie, puis Delori, le fleuron de l’époque qui avait racheté l’usine de Pont d’Ardres (fondée en 1873) en 1887, puis Saint Just en chaussée en 1900, Estrées Blanche dans le Pas de Calais, enfin Abbeville, Coulommiers et Neuilly Saint Front en 1904. Mais Ernest Cronier se suicide en 1905 après avoir spéculé sur les valeurs de la société et celle-ci doit se restructurer. Après la guerre de 1914/1918, subsistent essentiellement Abbeville et Pont d’Ardres ; s’y ajoutent Sermaize en 1920, Châlons sur Marne construite en 1959 et Attigny dans les Ardennes en 1967.

Les Béghin

L’aventure Beghin commence en 1839. Un certain Joseph Coget avait fondé la sucrerie de Thumeries (Nord) dans sa ferme en 1824, modernisée par une machine à vapeur en 1836. Antoine Beghin épouse la fille de Coget en 1839 (deux frères par ailleurs) et succède à son beau-père après le décès de celui-ci. Leur fils Ferdinand né en 1840 développe Thumeries de 1871 à sa mort en 1895. Les deux fils de Ferdinand créé en 1898 une raffinerie et une société en nom collectif Ferdinand Beghin. Cette société s’agrandira avec Corbehem (Nord), première sucrerie européenne en 1919, la sucrerie centrale d’Arras ou Boiry Sainte Rectitude (Pas de Calais) en 1930. Escaudoeuvres (Nord) fondée par Linard en 1872 est prise en contrôle dès 1972, puis en location-gérance sous le nom de Sucrerie Centrale de Cambrai en 1986. Curieusement, les annuaires sucriers ne signalent cette reprise qu’en 1977…

En 1967, la société Beghin prend le contrôle de la société SAY mais la fusion totale BEGHIN-SAY date de 1972. En 1986, Beghin-Say est repris par l’italien Ferruzzi qui rejoint en 1992 le groupe Eridiana. Il est mis en vente en 2002.

Sources : Frédéric Reychler (La sucrerie d’Ardres) Beghin-Say (documentation) La Sucrerie Française n° 97 Les annuaires sucriers.
Autre source, autre thème : article de Fabien Gandrille dans Généalogie magazine. Hors série. N° 291-292. Page 21. ​

Les Sommier et Lebaudy

Fils d’un boulanger, Pierre Sommier (1803-1867) crée une sucrerie à La Villette. Son fils Alfred épouse la fille du Baron de Barante et achète en 1875 Vaux-le-Vicomte, ancien château des ducs de Choiseul-Praslin à la restauration duquel il consacre des sommes 558 000 francs or). Le domaine appartient aujourd’hui à son descendant Patrice de Voguë. Il dynamise les sucres Sommier qui deviennent leader du marché et rachèteront en 1929 la sucrerie Lebaudy lancée par le fils d’un paysan normand, Jean Lebaudy (1775-1847), dont la descendance subsiste.

La famille Bernard

Propriétaire d’une raffinerie implantée à Lille depuis Louis XIV, la famille Bernard ne peut plus s’approvisionner en sucre de canne lors du blocus continental de 1806 et doit alors se lancer dans le traitement de la betterave. Elle achète un château à Santes, alors dans la campagne lilloise et y édifie une sucrerie. Les Bernard restent maires de Santes de 1843 à 1944. La sucrerie raffinerie Bernard est fermée en 1962 et démolie en 1975, mais la famille demeure nombreuse et bien alliée…

La famille Linard

Désiré Linard, né à 19 octobre 1839 à Givet (Ardennes) et décédé le 30 avril 1898 à Rethel (Ardennes), est un industriel et un homme politique français. Son rôle a été déterminant dans le développement de l’industrie du sucre, et dans les relations entre cette industrie et les agriculteurs. Il a été aussi maire, député et sénateur des Ardennes, pesant pour l’instauration et le maintien d’un régime républicain à un moment décisif de l’histoire de la Troisième République.

D’origine modeste, issu pour la branche paternelle de la province de Namur où son grand-père était charretier, son père est venu trouver du travail à Fromelennes comme fondeur de cuivre. Sa mère était fille d’un instituteur d’Houldizy. Sa famille était installée sur l’écart de Ripelle, entre Givet et Fromelennes.

Il entre à l’École des arts et métiers de Châlons-sur-Marne, et en sort en 1859. Il travaille sous la direction de son frère Jules dans l’entreprise Cail, comme dessinateur puis comme ingénieur. Ils interviennent notamment pour l’industrie betteravière encore naissante.

À 22 ans, il s’établit fabricant de sucre à Saint-Germainmont, avec deux de ses frères, Jules, à nouveau, et Fulgence. C’est la société « Linard Frères & Cie ». Ils ajoutent ensuite à cette première sucrerie celle d’Ecly dans le même département puis d’autres. Ils doivent aussi acquérir des fermes pour assurer l’alimentation de ces usines.

En 1874, Désiré Linard crée la râperie de Villers-devant-le-Thour. Le principe déjà mis en pratique par son frère Jules dans l’Aisne est de râper les betteraves à proximité des champs, de les presser et d’envoyer le jus par canalisation vers la sucrerie la plus proche, ici Saint-Germainmont.

Candidat aux élections générales de 1889 dans la circonscription de Rethel, il conserve son siège. Il participe notamment, au sein de l’Assemblée, à la commission du travail, qui le charge du rapport sur le projet relatif à l’hygiène et la sécurité des travailleurs dans les établissements industriels. Il est aussi l’auteur de plusieurs textes et notamment d’une proposition de loi, contresignée par plusieurs de ses collègues, instituant l’impôt sur le capital.

Il devient également maire de Saint-Germainmont, une commune qui bénéficie fortement de l’activité industrielle qu’il y a créée, par les emplois induits. Le développement de l’industrie betteravière et le dynamisme des frères Linard a généré un débouché nouveau pour les agriculteurs de l’Aisne et des Ardennes.

Une élection partielle provoquée dans son département des Ardennes par un décès lui permet de se présenter au Sénat, où il est élu le 6 février 1898. Toutefois, contraint par son état de santé à une activité réduite, il siège peu à la Haute Assemblée. Il décède quelques mois après son élection au Sénat.