Introduction

Nous avons localisé deux sucreries, dont une rue de Montdidier et l’autre rue d’Orroire.

Graves n’en cite qu’une en 1840 : fondée en 1837 par un maître de poste de la ville, Henri Jean Poul(a)in, faubourg Saint Jacques (en fait, faubourg Montdidier), puis dirigé par ses gendres MM. Eloi Alphonse Labarre et Poitevin. L’établissement employait 35 ouvriers de jour et 30 de nuit pendant la campagne et 30 aux champs de mai à octobre. Les salaires étaient de 1,50 f pour les hommes 1,12 f pour les femmes et les enfants.

Trois machines à feu Meyer étaient en service (6, 12 et 80 CV pour l’ébullition). La production était de trente tonnes de mélasse et 250 tonnes de sucre brut.

Deux établissements sont signalés en 1869 : Labarre et Cie, rue de Montdidier et Odent-Quay, rue d’Orroire.
En 1877 : toujours deux usines, Labarre et Cie et la sucrerie de la rue d’Orroire ; de même qu’en 1889, mais Daix et Cie, rue de Mondidier et la S.A. de la rue d’Orroire.
Une seule en 1899 : Bouillant et Cie sans que nous sachions laquelle a survécu. Elle figure encore en 1900/1902 mais a disparu en 1913.

1824. Lucas Louis, raffinerie de sucre. Demande du quatre août 1824. Lucas (Louis François) et Lucas (Charles Marie). Marchands confiseurs. Etablissement autorisé près de la porte d’Amiens, rue d’Amiens. Autorisation préfectorale du deux novembre 1824. Raffinerie de sucre installée dans un des bâtiments de l’Hôtel-Dieu, sis rue d’Amiens et servant autrefois de magasin. (Aurait fait suite à celle de Pont Lévêque, même raison sociale, Lucas frères) .

1836-1838. Poulin Henry et Candelot Edouard. Installation d’une manufacture de sucre de betteraves. Demande du trente mars 1836. Plan de l’établissement situé sur la route de Noyon à Mondidier, carrefour de la rue du Pélican et du chemin du rond d’arbres. Graves parle du faubourg Saint-Jacques, mais après vérification, cette mention n’apparaît pas dans les documents.

Le Préfet dans son autorisation du 13 07 1836 parle du faubourg Montdidier et des bâtiments du sieur Poulin.
Dans la demande officielle de ce dernier datée du 30 mars 1836, il est aussi question du faubourg de Mondidier. Dans la publication signée par l’adjoint au maire du 23 mai 1836 aussi, avec en plus « dans le corps de ferme de Monsieur Poulin ».

1837. Poulin et Candelot. Fabrique de noir animal, projeté plus loin sur la route de Montdidier au lieudit la chapelle Lorette. Un plan qui représente le faubourg de Mondidier, sans précision et l’endroit, fort éloigné, sur la RD 16 de Beauvais à Noyon, où devait être implanté la fabrique de noir animal.

1850. Labarre et Poidevin. Fabrique de sucre indigène. Gêne apportée par un dépôt de pulpes (qui fut déplacé). En fait il s’agit de l’entreprise ayant succédé à Poul(a)in et Candelot créée en 1836.

Dans la deuxième chemise portant la date 1851, Dordigny Denis Vincent, propriétaire à Noyon. Fabrique de sucre. Rue d’Orroire. Demande du 23 novembre 1850.

1850/1851. Dernier dossier : Labarre Eloi Alphonse. Fabrique de sucre. La demande d’installation a été refusée. C’est bien le seul exemple à ma connaissance. Il s’agit du plan d’une maison dite de la poste aux chevaux située à Noyon, rue de Paris n° 68 appartenant à Monsieur Labarre, maître de poste à Noyon et d’un bâtiment servant alors d’écurie et susceptible de devenir l’emplacement d’une usine pour la fabrication du sucre indigène. (21 mars 1850).
La commission d’hygiène, saisie pour avis, s’est alors rendue dans la sucrerie déjà existante, route de Mondidier et a constaté de nombreuses nuisances pour l’environnement. Vu que le pétitionnaire projetait d’installer une nouvelle sucrerie en pleine ville et près d’un hospice pour indigents, la commission émit un avis défavorable et la demande fut rejetée par les autorités compétentes, maire et préfet.

La sucrerie Poul(a)in (Rue de Montdidier)

Sucrerie Poulain. Plan daté de 1836.
Légende : 1° Maison d’habitation. 2° Porte charretière. 3° Fabrique. 4° Manège. 5° Magasin. 6° Etable à boeufs.
A.D.O. MP 2523.

Dans l’enquête du 23 avril 1836 il est dit : « une fabrique de sucre indigène sera mise en mouvement soit par des bœufs, soit par une machine à vapeur, dans des bâtiments dépendants d’un corps de ferme, construit en pierre de taille et couvert en tuile, situé à l’angle du faubourg de Montdidier et la rue du Pélican. La fabrique proprement dite se trouvait à droite de l’habitation sur la deuxième photo.

La maison subsiste, la porte et ce qui fut l’étable à boeufs (à gauche sur la troisième photo), mais l’environnement a beaucoup changé, la rue du Pélican s’appelle aujourd’hui rue Maurice Quatrevaux, et la rue du Rond d’arbres rue Beauséjour.

Reportage photographique (2010) – Clichés Joël Hiquebrant

Compiègne, le 24 novembre 1838,

« Monsieur le Préfet,

l’établissement de Noyon a été créé en 1836 (arrêté du 13 juillet) par MM Poul(a)in et Candelot, propriétaires associés. En 1836, on a ensemencé 57 hectares de terres qui à raison de 22 800 kg par hectare, ont produit environ 1 299 600 kg de betteraves à la fabrication. Cette année 1836 n’a pas été productive aux entrepreneurs parce que le matériel de la fabrique n’était pas encore bien organisé et qu’une partie des récoltes n’a pu être soustraite aux gelées.

En 1837, à cause de la dissolution de la société, on a ensemencé que 45 hectares dont le produit s’est élevé à environ 1 034 000 kg. Néanmoins, cette année a donné des bénéfices à Monsieur Poulain, resté seul en possession de la fabrique. La récolte de 1838 s’établira sur 62 hectares de terre qui, en calculant d’après les récoltes déjà faites, produiront au moins 1 500 000 kg.

La fabrique, marchant avec succès, a été organisée de manière à pourvoir produire un tiers en sus du rendement des années précédentes, calcul fait de la déperdition éprouvée en 1836 et des embarras de la dissolution de société en 1837. Pour obtenir ces résultats, il a fallu compter sur un travail de nuit.

Monsieur Poulain ne se proposait aucun accroissement de son établissement par la raison qu’il dirigeait deux exploitations considérables, dont une à Noyon, à laquelle se trouve jointe la poste aux chevaux, et l’autre à Ourscamp (fonderie de fer), mais il convient que sans cette circonstance, il aurait donné plus de développement à la fabrication du sucre indigène, si les mesures adoptées par le gouvernement n’étaient venues y former obstacle. Il ne parle pas de l’incendie du 04 juillet 1837 qui, en réduisant en cendre une partie de son établissement, a manifestement dérangé quelques calculs. « 


Pour l’anecdote, signalons que c’est dans la fonderie d’Ourscamp que furent « recyclées » les grilles du château de Francières, après sa démolition.

La sucrerie Dordigny (Rue d'Orroire)

Plan général puis détail.

Dossier Dordigny Denis Vincent 1851.

Etablissement créé rue d’Orroire, route allant de Noyon à Soissons, dans une ancienne fabrique d’alun et de couperose avec maison de maître, cour, jardin et dépendances, le tout d’une contenance de 1 ha 34 a 45 ca situé à la rue d’Orroire, faubourg de Noyon, à la réquisition de MM. Dordigny aîné, Dautrevaux, Blaulod et Minard propriétaires à Noyon.

Usine à affecter à la fabrication du sucre indigène. A.D.O. MP 2523/2. Le sieur Dordigny aîné de la rue d’Orroire était le créateur de la fabrique de sulfate de fer et d’alun.

Monsieur Onier répond au Préfet sur l’opposition qui est faite par le directeur de la sucrerie de la rue d’Orroire à son projet d’installation d’un routoir. Intéressante par les arguments invoqués (les préoccupations écologiques ne datent pas d’aujourd’hui).

Extrait :

« Monsieur Odent n’a personnellement aucune connaissance des inconvénients qu’il met en avant. Il a repris la fabrique de sucre de la Rue d’Orroire à Noyon pour des motifs financiers, depuis un mois ou deux seulement, il a donc cédé à une influence étrangère et peu bienveillante pour moi …

… le rouissage des chanvres se faisait ici de temps immémorial et l’usine n’existe que depuis cinq ans, et c’est seulement aujourd’hui que l’on vient me chercher ces difficultés quand on ne sait à quoi imputer l’insuccès et une mauvaise fabrication. On a essayé de fabriquer en se servant d’eaux du canal de l’Oise, on n’a pas même réussi ; il ne fallait pas attribuer à l’eau ce qui tenait à la nature des betteraves ou à je ne sais quoi. Mais le préjudice dont se plaint la fabricant de sucre est causé par lui même je vais ici au lieu de me défendre devenir l’agresseur et vous rendre compte d’un fait sans exemple.

Depuis deux ou trois ans, le gérant de l’usine au lieu d’avoir des puits perdus comme ces établissements y sont tenus, faisait évacuer ses déjections dans le lit du Marquais, qu’il a ainsi totalement empoisonné, mais comme c’était aussi du Marquais qu’il tirait l’eau nécessaire à sa fabrication, elle était chargée de matières impures et nuisibles. Qu’a-t-on fait alors sans aucune autorisation ? Il a construit dans le lit de la rivière large d’environ vingt mètres en cet endroit, un barrage à grand renfort de madriers et de terre ; en amont, il prenait l’eau pure et en aval, il rejetait les matières infectes. C’est ainsi qu’il a infecté cette rivière au point que de très poissonneuse qu’elle était avant l’usine, il n’existe plus en aval un seul poisson ».