La Sucrerie-Distillerie et la Râperie de Morienval

La sucrerie-distillerie

En juin 1854 Dumont Joseph Damainville proteste contre la non réponse faite à sa demande d’installation d’une fabrique de sucre indigène déposée à la sous préfecture de Senlis trois mois en arrière. L’en-tête de lettre le dit négociant en grains à Compiègne et fabricant de sucre à Pierrefonds. Mais une note de la sous préfecture de Senlis indique en octobre que ce dernier a renoncé à son projet à cause d’une état maladif. Le projet est néanmoins relancé par le sieur Jean Thédore Dumont (fils ?) sous forme d’une demande adressée à M. le sous-préfet de l’arrondissement de Senlis le 30 juin 1854, accompagnée du plan suivant :

Légende figurant sur le plan de la propriété dite « Le Couvent »
A. Magasin et lavoir à betteraves. B. Râperie. C. Machine à vapeur de trente chevaux. D. Lav… E. Chambre des chaudières à déféquer, évaporer et cuire. F. Turbines et machine à vapeur de six chevaux. G. Générateurs. H. Etuves et chambres à sucre. I. Lavoir et dépôt des noirs. J. Purgerie et chambre des citernes. K. Cheminée pour les générateurs. L. Four à noir. M. Fossé de la source et écoulement des eaux. N. Emplacement des résidus de lavage. Bureaux à l’écart sur la gauche. Derrière l’église, écurie, remise, grange.
(A.D.O. MP 2513).

Cet établissement, devait être bâti dans le parc de l’ancien couvent fermé en 1743 et en partie détruit à la révolution, dans le fonds du vallon, vers la rue des Lombards.

Monsieur Jean Théodore Dumont, fabricant de sucre et distillateur à Pierrefonds, propriétaire des terrains et bâtiments situés à Morienval, lieudit « le Couvent », désire y établir une fabrique de sucre indigène. Suivent les détails techniques (Machine à vapeur haute pression cylindre horizontal et échappement de la force de 30 CV):

Les chaudières de forme cylindrique seront chauffées à la houille. Elles seront d’une capacité de neuf mètres cinquante centièmes pour la chaudière et de cinq mètres soixante centièmes pour les deux bouilleurs.
Il y aura quatre générateurs semblables de chacun quarante chevaux.
Ils seront placés dans un bâtiment séparé des autres ateliers par des murs de soixante quinze centimètres au moins d’épaisseur et en contrebas du sol et situés à quarante deux mètres de la voie publique qui a six mètres de long au moins. Les habitations des tiers sont au delà. Le travail des jus se fera à la vapeur. Les quatre chaudières à déféquer seront dans le fonds à lentille. Les trois chaudières à évaporer et les deux à cuire seront à serpentin et air libre. Les turbines seront mues par une machine à vapeur haute pression cylindre horizontal et échappement, de la force de six chevaux. Le sieur Dumont joint à sa demande un plan des lieux et la figure des générateurs et de leurs fourneaux.

Le 21 juillet 1854, la sous-préfecture de Senlis décide « qu’il y a lieu d’autoriser le sieur Jean Théodore Dumont à établir sur la commune de Morienval, une fabrique de sucre indigène ». Mais l’ingénieur des Mines chargé du département de l’Oise, en date du 30 septembre 1854 parle dans son rapport d’un distillerie… Voici l’explication :

Monsieur Jean Théodore Dumont, fabricant de sucre à Pierrefonds, demande l’autorisation dans une pétition datée du 30 juin dernier, d’établir quatre chaudières et deux machines à vapeur dans sa fabrique de sucre sise à Morienval. (Mais) depuis cette époque, il a changé de projet, au lieu d’une fabrique de sucre, c’est une distillerie qu’il élève et pour cela il a besoin seulement de deux chaudières et d’une machine à vapeur.

La distillerie est en construction, les chaudières sont encore chez le chaudronnier, Monsieur Henri Basset à Ham où elles viennent d’être essayées. Elles ont les mêmes dimensions et se composent chacune d’un générateur et de deux bouilleurs cylindriques en tôle leur surface de chauffe est de 39,22 mètres carrés et leur capacité de 13,631 mètres cubes. Elles sont timbrées à 9 atmosphères et appartiennent à la première catégorie.

Le local dans lequel elles seront placées est isolé des ateliers et recouvert d’une toiture légère et distincte de celle des bâtiments voisins. La cheminée aura cinquante mètres de hauteur. La machine à cylindre horizontal fixe, à haute pression et à détente sera construite dans les ateliers de Monsieur Mariolle à Saint-Quentin. La force sera de trente chevaux. Elle fera mouvoir un lavoir à betteraves, une râpe double, quatre presses hydrauliques et des pompes à eau. Il y aura en outre un monte jus en tôle qui devrait être timbré pour une pression de cinq atmosphères. Je suis d’avis qu’il y a lieu d’accorder….

Dans les autres documents administratifs, tous accompagnés d’avis favorables, le sieur Dumont est dit tantot « cultivateur à Morienval » (rapport de la commission d’hygiène) ou « propriétaire usinier à Pierrefonds », (enquête commodo/incommodo) ce qui n’est pas incompatible, bien sûr.
Une seule opposition se fit jour, celle de Mlle Hyacinthe Blesson, demeurant rue des Lombards, vis à vis la sucrerie. Trois années s’écoulèrent sans incidents notables, avant une mise en demeure du sous-préfet datée du 04 juin 1857.

Le sieur Desmarest, alors propriétaire de la distilerie de betteraves de Morienval, laissait écouler, malgré les défenses expresses qui lui avaient été faites, les résultats de son exploitation dans le rû coulant entre son usine et la rivière d’Automne. Dans un premier temps, le sieur Desmarest dit qu’il n’a pas été averti, d’où une notification du garde-champêtre local. Puis, dans une lettre datée du 29 juillet 1857 avec pour entête « Sucrerie de Morienval (Oise) A. Desmarest et Cie, il parle de tracasseries de quelques personnes et d’accusations mensongères. Il dit s’être porté acquéreur de la distillerie en 1856 et l’avoir transformée en sucrerie !

Dans la plainte du sous-préfet de Senlis au préfet, il est dit qu’au moment où le préfet de l’Oise prenait son arrêté d’autorisation, le sieur Dumont (demandeur) n’était (déjà) plus propriétaire de la distillerie de Morienval ; il l’avait revendu à un sieur Desmarest qui en continuait l’exploitation sous la raison sociale Desmarest et Cie, demandant au passage la fermeture vu la mauvaise volonté de l’industriel.

Dans son rapport dressé suite à sa visite du 18 octobre 1856, l’ingénieur ordinaire constate que le champ d’inondation n’est pas assez vaste et que les détritus s’écoulent dans le rû, ce que le sieur Desmarest reconnaît. De plus, il déclare qu’il ne fait plus partie de la société depuis le 14 avril 1856. A cette époque, il a été formé une association sous la raison sociale Arthur Desmarest et Cie et avant même le quatorze avril, lui-même n’avait plus aucun intérêt dans l’exploitation, n’étant plus que le gérant du sieur Dumont. On trouve également dans le dossier une lettre de Desmarest, datée du 17 septembre 1856 qui charge l’ancien propriétaire. Laquelle a pour entête Distillerie de Morienval Dumont-Desmarest mais le mot « sucrerie » a été rajouté manuellement et le nom de « Dumont » barré.

Cet établissement « aurait » disparu en 1884, lors de travaux de « restauration ». Informations à confirmer. Mais nous ignorons pour lors la date de cessation d’activité.

Reportage photographique – Clichés J. Hiquebrant

Il ne reste bien sûr plus rien de l’usine, seulement les murs et le portail de l’ancien couvent…

La râperie

Collection Sylvère Thomas.

L’existence d’une râperie, toujours dépendante de la sucrerie de Pierrefonds est attestée par une lettre adressée au préfet et datée du 15 juillet 1872 :

Nous avons l’honneur de vous prier de bien vouloir nous autoriser à établir sur le territoire de la commune de Morienval au lieu dit la Granche-Mont, aux abords et à l’ouest du chemin de grande communication n° 33 de Crépy à Blérancourt, une râperie destinée à travailler annuellement environ six millions de kilogrammes de betteraves et dont les jus seront envoyés souterrainement à la fabrique de sucre de Pierrefonds.
La conduite sera placée à 80 centimètres de profondeur sous le sol ; elle suivra les accottements du chemin jusqu’au hameau de Palesne, remontera par le chemin dit de la Montagne jusqu’à la ferme du haut Palesne et de là suivra jusqu’à la fabrique de Pierrefonds le chemin vicinal de Palesne à la sucrerie. Nous avons l’honneur… Dollot et Moreau. (remplacés par Legru fils et Cie en 1874)

et confirmée par une autre document de 1893 émanant de la préfecture de l’Oise :

Vu la demande en date du cinq mai 1893 par laquelle le sieur Direz, directeur de la sucrerie de Pierrefonds sollicite l’autorisation de maintenir en activité la râperie que sa société a établi à Morienval, considérant qu’aucune observation n’a été formulée pendant l’enquête, nous arrêtons que le sieur Direz est autorisé à continuer l’exploitation de la râperie que sa société a établi à Morienval.

A.D.O. Cliché J. Hiquebrant.

Reportage photographique – Clichés J. Hiquebrant
Document d'archive (1935) de la sucrerie de Berneuil dont dépendait la râperie après le rachat de celle de Pierrefonds.
A.D.O.